Fin août, Christophe Peiffer du blog des rapports humains a poussé un coup de gueule face à certaines pratiques marketing qui n’hésitent pas à brandir la menace de la maladie pour vendre de l’indépendance financière : pour faire court, selon ces marketeurs peu scrupuleux être pauvre conduit à subir plus de stress et d’angoisses et donc à augmenter significativement les risques de développer un cancer ; alors que si vous êtes riche, vous avez les doigts de pied en éventail et la cool attitude chevillée au corps ce qui vous protège du cancer. CQFD. Le procédé marketing est assez grossier et pousse en effet à se questionner. Quand est-on riche ? Et puis c’est quoi au juste être riche ? Face à ces interrogations, Christophe a eu l’idée de lancer un festival de blogueurs sur la question de la richesse. Quand à moi, j’ai eu envie de participer à ce festival en menant ma réflexion sur le sujet. Allez, on en discute !
C’est quoi être riche ?
Selon certains marketeurs, il vaut mieux être riche, serein et en bonne santé que pauvre stressé et malade ! Ah ben c’est sûr ! De là à dire que parce qu’on est pauvre on est stressé et donc on est cancéreux en puissance, il faut y regarder à deux fois. Le stress serait-il l’apanage des pauvres ? Jouons à l’avocat du diable ! Gérer sa fortune génère aussi du stress : ne pas faire d’erreurs de placement, avoir peur d’être volé, se méfier des profiteurs, des envieux et des faux-amis. Certains millionnaires du loto perdent la tête et se retrouvent dans des situations compliquées. L’argent ne fait pas le bonheur dit l’adage. Cependant il y contribue un peu. Celui qui peine à boucler ses fins de mois et qui se demande sans cesse comment il va nourrir sa famille ou payer son loyer n’a guère de place pour la cool attitude. En fait tout dépend de notre définition du mot riche et de nos besoins.
Il y a je pense autant de définitions du mot riche que d’individus sur la terre. Quoi de plus subjectif ? Je n’ai pas la prétention de donner une définition universelle mais en partant de celle du Larousse, il est possible de développer plusieurs aspects.
Avoir de la fortune, des biens importants
Selon le dictionnaire, est riche celui qui a de la fortune, qui possède des biens importants. Tout est extrêmement relatif dans cette définition. Selon les circonstances je serai riche ou pas en possédant les mêmes biens. Si je possède une gourde remplie d’eau et que je suis installée tranquillement chez moi, je ne vais pas accorder une grande importance à cette eau, j’en ai tant que je veux au robinet. Si au lieu d’être chez moi, je me trouve dans une zone désertique et isolée (on se moque de savoir le pourquoi du comment je m’y retrouve, ce n’est pas l’objet du débat) alors cette gourde d’eau aura à mes yeux une très grande valeur, elle deviendra un bien important, tellement important que de ce bien dépendra ma survie. Un changement de situation peut transformer un bien ordinaire en bien extraordinaire. Pour autant suis-je riche parce que j’ai de l’eau dans le désert ?
Si mon compte en banque est bien rempli, je peux acheter ce que je veux et je me sens en sécurité. Mais revenons à mon désert, si je suis égarée dans le désert, mon compte en banque bien garni me permettra-t-il de ne pas mourir de soif ? Suis-je riche parce que j’ai de l’argent dans le désert ?
Ces deux exemples sont volontairement caricaturaux. Ils me permettent de m’interroger. La richesse matérielle à laquelle il est fait référence ici permet la sécurité jusqu’à un certain point. Je ne suis pas en sécurité dans un désert sans eau. Même avec de l’eau je peux succomber à une morsure de serpent à une insolation ou à l’épuisement physique. L’argent n’y changera rien. Un bien rare est un bien cher, une loi bien connue en économie. L’eau dans le désert est un bien rare. Alors d’une certaine manière, si j’ai de l’eau en plein désert, je suis peut-être riche.
La prospérité financière et économique
Toujours selon le dictionnaire, est riche toute collectivité qui connaît la prospérité financière et économique. Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec le PIB (Produit Intérieur Brut). Cet indicateur économique mesure les quantités de richesses produites par un pays. La variation de cet indicateur correspond à la fameuse croissance (Vous savez ? Celle sans qui rien n’est possible). Le PIB est lié au niveau de vie et au pouvoir d’achat. Peu importe les effets de l’activité économique qui a généré cette richesse. Tant que l’activité économique augmente c’est considéré comme positif puisque le PIB augmente.
L’activité à l’origine de la création de richesse peut être très négative pour les individus ou leur environnement de vie : guerres et catastrophes nécessitent de produire pour réparer et reconstruire, c’est bon pour le PIB. Les pollutions dommageables à l’environnement et aux individus qui y vivent engendrent des activités de dépollution et de nettoyage qui viennent contribuer à gonfler le PIB. Les accidents d’avions, de trains, de voitures nécessitent que des victimes soient prises en charge dans les systèmes de soin et cela crée de l’activité, donc c’est bon pour le PIB. Que dire des maladies comme les cancers, le diabète, l’hypertension… Les plus intéressantes du point de vue du PIB sont les maladies chroniques qui entraînent une consommation constante de soins et de médicaments.
Ne croyez pas que je sois cynique. Je veux juste pointer du doigt le fait que le PIB ne reflète en aucune manière le bien-être des individus d’un pays. La richesse produite n’a qu’une valeur financière et comptable qui ne bénéficie pas au plus grand nombre. A la lumière du PIB, être riche ne veut pas dire être heureux, loin s’en faut.
Disposer d’une quantité importante d’argent
Un troisième aspect souligné par la définition du dictionnaire est le fait qu’être riche c’est disposer d’une quantité importante d’argent. Mais qu’est-ce qui est important ? 1 000€ c’est important ou pas ? Ben non… Enfin… si quand même ! Si je perds 1 000€ je me sens comment ? Ça dépend combien j’ai sur mon compte… Si j’ai plusieurs milliards, je ne vais même pas m’en apercevoir. Si j’ai 1 000€ sur mon compte, ce n’est plus pareil. Et si j’ai 500€… là c’est la mouise ! Encore une fois tout est relatif. Et 1 000 000 € c’est important ? Oh ben là oui quand même ! Je ne sais pas ce qu’en pense Bill Gates pour prendre un exemple au hasard, à 86 milliards de dollars de fortune personnelle, que peuvent bien représenter 1 000 000€ (aujourd’hui 1 175 563$) ? Réponse : 0,001 %, trois cacahouètes quoi ! Si je touche le salaire mensuel moyen français c’est comme si je perdais une pièce de 2 centimes d’euro en un mois. Je ne sais pas vous mais moi je ne vais clairement pas en faire un drame.
Présenter de nombreuses possibilités
Je passe sur d’autres notions reprises par le dictionnaire concernant l’abondance (richesse d’un sol en minerai, d’un aliment en vitamines) et sur l’idée que ce qui est rare est cher (c’est un luxe et j’en ai déjà parlé avec mon histoire de l’eau dans le désert). Je vais m’attacher au dernier aspect soulevé par la définition du dictionnaire : la notion de possibilités.
Selon le Larousse, être riche, c’est présenter de nombreuses possibilités. Voilà qui renvoie à autre chose que la richesse matérielle. Nous abordons là les richesses immatérielles. La richesse d’un livre tient à la qualité des informations qu’ils contient et donc aux possibilités d’apprentissage et d’élargissement de la connaissance qu’il confère à son lecteur. Le savoir peut aussi être contenu dans les individus. Ceux qui transmettent leurs savoirs sont riches de ce savoir. Le fait de le partager avec les autres ne les en dépouille pas.
La connaissance est un bien qui se multiplie lorsqu’on le partage. C’est l’inverse de la richesse matérielle. Si je vous donne 50€ je ne les ai plus mais quand je vous explique comment soigner une sinusite, je reste quand même dépositaire de ce savoir après l’avoir partagé avec vous. La différence c’est qu’après mes explications, nous sommes plus nombreux qu’avant à détenir ce savoir. Le partage des connaissances enrichit les individus. C’est une idée largement développée dans le livre de Idriss Aberkane « Libérez votre cerveau ». La richesse matérielle est finie alors que les richesses immatérielles sont infinies.
Partager de la bienveillance n’appauvrit personne. Vous connaissez sans doute ce poème de Raoul Follereau sur le sourire.
Un sourire ne coûte rien et produit beaucoup,
Il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne,
Il ne dure qu’un instant, mais son souvenir est parfois éternel,
Personne n’est assez riche pour s’en passer,
Personne n’est assez pauvre pour ne pas le mériter,
Il crée le bonheur au foyer, soutient les affaires,
Il est le signe sensible de l’amitié,
Un sourire donne du repos à l’être fatigué,
Donne du courage au plus découragé
Il ne peut ni s’acheter, ni se prêter, ni se voler,
Car c’est une chose qui n’a de valeur qu’à partir du moment où il se donne.
Et si toutefois, vous rencontrez quelqu’un qui ne sait plus sourire,
Soyez généreux donnez-lui le vôtre,
Car nul n’a autant besoin d’un sourire que celui qui ne peut en donner aux autres.
Raoul Follereau – 1920
Et finalement c’est quoi être riche pour moi ?
Après toutes ces cogitations, j’en suis venue à me poser la question : pour moi, c’est quoi être riche ? Lorsque j’entends le mot « riche » je pense immédiatement à la richesse matérielle. Dans cette perspective je dirais qu’être riche c’est posséder plus que le nécessaire pour vivre. Avec ça, vous allez me dire que vous êtes bien avancés ! C’est sûr, c’est extrêmement subjectif.
Avoir le nécessaire pour vivre c’est avoir ce qu’il faut pour répondre à ses besoins. Mes besoins ne sont sûrement pas les mêmes que ceux de mon voisin ou que les vôtres. Et là encore, il convient de ne pas tomber dans le piège de la confusion entre besoins et désirs. De là à pointer la société de consommation, il n’y a qu’un pas que je franchis. La publicité nous laisse penser que nous avons plein de besoins à combler pour nous sentir heureux. Or nos besoins fondamentaux, nous savons d’instinct comment les satisfaire. Il existe plusieurs modèles qui décrivent les besoins fondamentaux des êtres humains. Je m’appuierai sur le plus connu d’entre eux : la pyramide de Maslow. Selon cette représentation, les besoins sont hiérarchisés de la manière suivante :
- Besoins physiologiques (manger et boire…),
- Besoin de sécurité (avoir un toit sur la tête, un revenu satisfaisant, une stabilité familiale…),
- Besoins sociaux (avoir des interactions avec nos congénères),
- Besoin d’estime (s’estimer soi-même, contribuer au monde)
- Besoin de réalisation (se développer personnellement en acquérant des connaissances ou en développant des dons naturels que nous possédons…).
L’apparente rigidité de la pyramide de Maslow peut être nuancée en considérant que les degrés ne sont pas aussi cloisonnés qu’ils peuvent en avoir l’air. S’il paraît évident que l’homme se souciera plus de son développement personnel s’il a le ventre plein, il n’empêche que les besoins ne sont pas nécessairement comblés dans l’ordre de la pyramide. Pour exemple, je pense aux frères chartreux qui cherchent à combler leur besoin de réalisation par l’étude et la prière alors qu’ils se satisfont d’interactions sociales réduites à leur minimum.
Revenons-en à la possible confusion entre désirs et besoins. En quoi la publicité serait-elle en mesure de combler nos besoins fondamentaux ? La publicité n’est d’aucune utilité pour nous indiquer quels sont nos besoins. Elle est juste là pour nous créer des désirs et nous pousser à les transformer en achats en faisant de nous des consommateurs. Pourquoi ? Pour les besoins de l’activité économique et de la bonne santé du PIB. La boucle est bouclée. Répondre à nos désirs nous apporte du plaisir mais le plaisir n’est pas un ressenti durable et constructeur. En revanche, satisfaire nos besoins nous apporte de la joie et participe à la construction de notre être. Je me sens riche lorsque je me sens grandir. Je grandis lorsque je suis en phase avec mes besoins profonds. Ainsi il est possible d’être riche en vivant sur les routes avec pour seul bien matériel un sac à dos et quelques affaires.
Comme je le disais à ma louloute dernièrement :
Tu as besoin de jouer mais tu n’as pas besoin de jouets. Tu peux très bien jouer sans jouets.
J’ai dû lui écrire la phrase au tableau pour qu’elle comprenne. Après réflexion, elle était complètement d’accord avec moi !
Il y aurait encore tant à dire sur le sujet. Mais je vais m’arrêter là. Voilà ma contribution au festival blogueurs proposé par Christophe. Et vous, c’est quoi pour vous être riche ? Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Prenez soin de vous,
Isabelle.
Pour découvrir la vision des 5 autres blogueurs qui ont participé à ce festival, c’est ici !
Photos : CC0 Pixabay
Dessin : Isabelle Ducau
Salut!
Isabelle vraiment je suis très content d’après avoir lu vos dits.
Merci
Merci 🙂
Après avoir lu votre développement il m’est venu à l’esprit une définition propre de la richesse et de ce qu’est être riche. Pour moi la richesse est toute chose qui dans un environnement précis détient une très grande valeur aux yeux des hommes. Parce que rien en soi n’a une grande valeur mais c’est l’être humain qui en donne une en fonction de son besoin. Et donc toute personne riche est toute personne qui détient une ou plusieurs richesses. Merci pour votre si bel article qui m’a fait comprendre que parlant richesses il n’ya pas de fatalité en soi. Mais… Lire la suite »
Merci pour votre commentaire et ravie d’avoir contribué à votre réflexion ! 🙂
L’ado préférée aime beaucoup cet article
C’est vrai ça..c’est quoi être riche..? Pourquoi est ce qu’on pense tout le temps premièrement aux richesses matérielles alors que parfois les plus belles richesses sont dans le cœurs des gens et qu’il coûte si peu mais qu’il est pourtant si précieux de recevoir un sourire ☺️
L’ado préférée
Merci pour ton commentaire mon ado préférée ! Je suis bien d’accord avec toi !
Bises à toi 😉
Bonjour Isabelle, Bonjour à toutes et tous, C’était il y a plus de vingt ans. Près de trente même. J’avais rencontré dans une bibliothèque un homme avec lequel j’avais engagé la conversation. Les échanges étaient simples et fluides. Rapidement, il en était venu à s’ouvrir sur sa philosophie d’existence, qui en fait de philosophie, n’était autre qu’une grande spiritualité. Cet homme avait fait, de manière tout à fait consciente, le choix d’abandonner son statut social, son logement et de regarder autrement les richesses matérielles. Ce fut, sur le plan humain, une rencontre marquante. Mais je dois vous dire que je… Lire la suite »
Merci Janet pour votre témoignage et votre partage 🙂
Bonjour Isabelle, très bel article, je suis tout à fait d’accord avec toi. En ce qui concerne la pyramide de Maslow, elle part du postulat discutable où l’individu passerait d’un niveau à l’autre une fois seulement les besoins du niveau inférieur satisfaits ; or tout être humain n’a pas nécessairement ce mode de hiérarchisation de ses besoins, tant dans sa vie personnelle que professionnelle. A un moment donné, ces besoins peuvent être simultanés voire contradictoires… Certaines ethnies font passer en priorité les besoins sociologiques, et ce même avant les besoins physiologiques. Ta réflexion est dont très pertinente, la richesse n’est… Lire la suite »
Bonjour Alice
Merci beaucoup pour ton commentaire. Pour moi, la connaissance de ses besoins passe par la connaissance de soi, vaste entreprise de toute une vie !
Coucou Isabelle ! C’est une question bien complexe que tu poses là ! Et j’aime bien la façon dont tu la traites. Pour ma part, cette question m’inspire beaucoup de choses qu’il m’est compliqué de démêler. Si on résume à l’extrême, comme toi je trouve le concept de richesse très subjectif, et surtout divisible en 2 grands domaines, à savoir le matériel et l’immatériel, ce qui fait que la question devrait être posée en deux parties, parce que l’une et l’autre richesses sont très différentes, et que bien des gens pourraient y répondre ainsi : pas besoin d’être riche du… Lire la suite »
Merci pour ta contribution au débat ! Après le festival blogueurs, pourquoi pas un festival des lecteurs ? 😉
Bises riches !