Écriture inclusive et nouvelle année

chemin enneigéVoici venue la nouvelle année mes cher·e·s ami·e·s ! Je me fends d’une écriture inclusive pour l’occasion ! Kécécé ? C’est LA nouvelle façon d’écrire pour considérer les femmes, pour éviter que le masculin l’emporte sur le féminin… Sujet polémique s’il en est ! Même l’Académie Française a pris position contre. J’y reviendrai. Je viens juste vous souhaiter une belle année 2018 à travers ce petit billet, en espérant que vous n’allez pas vous mettre la pression sur des objectifs inatteignables et prendre les fameuses résolutions… Allez, on en discute, de l’écriture inclusive et du reste !

A propos de l’écriture inclusive

S’il m’arrive parfois d’écrire « mes lectrices et mes lecteurs » en parlant de vous toutes et tous, je ne prendrai pas la résolution d’adopter l’écriture inclusive pour l’année qui vient ; en tous cas pas sous la forme qui utilise le point médian. C’est quoi l’écriture inclusive ? C’est une écriture neutre, non gendrée, on l’appelle aussi langage épicène ou langage neutre ou non sexiste. Il est un fait indéniable : la langue française est très phallocratique, une langue façonnée par les hommes pour les hommes. Cela remonterait au siècle des lumières. C’est en effet à partir du XVIIIème siècle que la règle de proximité qui concerne l’accord de l’adjectif avec le nom le plus proche a été abandonnée au profit d’une règle d’usage plus sexiste qui consiste à dire que le masculin l’emporte sur le féminin.
Les hommes et les femmes sont intelligents. Pourquoi ? Et pourquoi pas l’inverse ? Les hommes et les femmes sont intelligentes ? Certain·e·s diront qu’il faut bien décider quelque chose. Dire que les hommes sont intelligents et les femmes sont intelligentes, ce n’est pas fluide et puis certaines pourraient toujours venir mégoter en se demandant pourquoi on parle des hommes d’abord, cela laisserait-il entendre que les hommes seraient plus intelligents que les femmes ? Oui mais si j’écris que les femmes sont intelligentes et les hommes sont intelligents, certains vont alors se dire que le fait de citer les femmes en premières est destiné à montrer qu’elles sont plus intelligentes que les hommes. Gnarf !

Mieux que l’écriture inclusive, la règle de proximité

En cela, la règle de proximité résout le problème. Selon cette règle, l’adjectif s’accorde en genre et en nombre avec le nom le plus proche auquel il se rapporte. Cette règle grammaticale était héritée du latin et du grec. Donc je peux écrire que les hommes et les femmes sont intelligentes : dans ce cas les messieurs sont contents d’être cités en premiers et les dames sont heureuses de l’accord en genre de l’adjectif au féminin pluriel. Selon cette règle, je peux aussi bien écrire que les femmes et les hommes sont intelligents : dans ce cas les femmes se réjouissent d’être citées en premières et les hommes sont satisfaits de l’accord au masculin pluriel. Pour moi, c’est de la parité grammaticale. Il est vrai que le français est déjà compliqué, mais si Racine, Corneille ou encore Ronsard appliquaient cette règle pourquoi ne serions-nous pas capable de l’appliquer aussi ? Personnellement je la préfère à la graphie inclusive utilisant les points médians : les hommes et les femmes sont intelligent·e·s. Cette manière d’écrire ne résout pas le problème de savoir qui citer en premier. Les points médians sont fastidieux à utiliser (touche Alt+0183), esthétiquement ça ne me plaît pas et je trouve la chose peu lisible. Alors j’ai bien envie de m’amuser en 2018 à respecter la règle de proximité puisque le fait que le masculin l’emporte sur le féminin n’est finalement qu’un usage… Usage hérité du siècle des lumières.

Le siècle des lumières, un siècle phallocratique ?

Quelle lumière en effet que cette masculinisation de la langue ? C’est quand même de cette époque que date la dérive linguistique ou plutôt devrais-je dire, la dérive idéologique ? Peu de femmes parmi les figures principales du siècle des lumières. La plus dérangeante peut-être a été Olympe de Gouges, femme de lettres, considérée un peu comme la première féministe. Elle avait rédigé la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » en réponse à la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » proclamée le 26 août 1789. Elle pointait notamment le fait que les droits énumérés ne concernaient que les hommes. Les femmes n’ayant même pas le droit de voter ! Son texte n’a évidemment jamais été adopté par l’Assemblée législative… Elle a d’ailleurs fini sur l’échafaud à causes de certaines de ses prises de positions qui égratignaient au passage l’Ego de certains des révolutionnaires.

soleil entre les arbres

Les femmes d’abord écartées de l’accès aux études supérieures

Les premières universités en France ont été créées dès le Moyen-âge, mais elles étaient exclusivement réservées aux célibataires masculins… La première femme reçue au baccalauréat a été Julie-Victoire Daubié en 1861. A son époque, toute jeune fille qui souhaitait se présenter au baccalauréat devait se préparer par ses propres moyens, les filles n’étant pas admises dans les lycées de garçons. C’était le premier pas des femmes dans l’enseignement supérieur. Cependant, l’accès des femmes aux universités ne s’est vraiment amorcé qu’en 1880 avec la création de lycées de jeunes filles, plusieurs siècles après la création des premières universités.

Des idées ancrées dans la pensée collective

Le siècle des lumières, en passant à la trappe la règle de proximité a renforcé l’idée prédominante selon laquelle le masculin est le plus fort. Une idée déjà vieille et bien développée par les grandes religions monothéistes. Celles-ci instituaient le fait que Dieu avait créé d’abord l’homme, Adam, puis Eve à partir d’une côte de son compagnon… Ce n’est pas comme s’il avait pris le cœur ou le cerveau. Si on te retire une côte, tu ne vas pas mourir… S’il avait pris le cœur, il aurait explicitement montré que sans la femme l’homme n’est plus rien et sans l’homme la femme n’a pas de raison d’être, en d’autres termes, que ces deux facettes sont deux expressions complémentaires et indissociables de l’Humanité. Cette idée selon laquelle la femme serait un sous-produit de l’homme ne date pas d’hier. Les règles religieuses sont imbriquées avec les règles sociologiques et grammaticales. Tout cela contribue à un certain regard sur les femmes et les hommes. Les unes ne sont pas supérieures aux autres pas plus que les uns ne sont prioritaires sur les autres. Les uns et les autres sont. Les unes et les autres existent. Ils et elles coexistent. Cela est. C’est un fait. Et pour que cela soit du mieux possible, elles et ils doivent co-exister en bonne intelligence, ils et elles doivent co-créer, elles et ils doivent mettre en commun leurs capacités, leurs atouts, leurs sensibilités différentes (accord de proximité) pour œuvrer ensemble à un monde juste ou chacun et chacune trouve sa place et puisse s’épanouir.

Mes souhaits pour 2018

Après toute cette digression sur le genre et sur l’écriture inclusive, je vous souhaite à toutes et tous une belle année 2018. Qu’elle vous apporte tout ce dont vous avez besoin pour vous sentir bien. A titre personnel, je ne prends jamais de résolutions pour la bonne et simple raison que les résolutions sont faites pour ne pas être tenues. Même celles de L’ONU sont trop souvent foulées aux pieds… Elles deviennent donc des sources de frustration et de démotivation. Il n’y a qu’un pas à faire pour arriver à l’auto-flagellation qui consiste à se fustiger de n’avoir pas réussir à tenir ses engagements. Encore un petit pas et vous voilà en pleine culpabilité doublée d’un sentiment de nullité… Ah ! Il est beau le tableau ! Non ! Laissez tomber les bonnes résolutions.
Choisissez plutôt une intention pour 2018, une sorte de thème, de fil conducteur. Par exemple, moi, j’ai décidé que cette année, je vais diriger ma gratitude vers mon corps. Je vais d’avantage porter attention à ce qu’il s’y passe. Je vais prendre le temps de pauses régulières pour remercier mes milliards de cellules pour le fantastique boulot qu’elles abattent jours et nuits. Sans relâche, elles œuvrent pour mon équilibre et pour mon bien-être. Leur seul objectif dans leur vie de cellule est de faire en sorte que je me sente le mieux possible. Connaissez-vous quelqu’un capable d’un tel dévouement sans faille ? Quand je fais des bêtises, mes cellules s’organisent rapidement pour m’alerter, pour que je corrige au plus vite. Porter attention à ce qu’il se passe en moi pour être en harmonie le plus souvent possible et revenir à l’équilibre le plus vite possible lorsque des zones de turbulences seront traversées. Évidemment des événements vont me stresser mais c’est à moi de décider comment je vais réagir et je sais que mes petites cellules chéries seront là pour m’aider. Et vous ? C’est quoi votre intention pour 2018 ?

Prenez soin de vos cellules,

Isabelle.


Bibliographie :
Les femmes et l’université en France, 1860-1914, pour une historiographie comparée – Histoire de l’éducation – Natalia Tikhonov Sigrist – revues.org
Wikipédia : Olympe de Gouges, Siècle des lumières, Histoire des universités françaises, écriture inclusive.
Photos :
Isabelle Ducau

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6 Commentaires
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Anne
Anne
8 janvier 2018 20 h 18 min

Merci Isabelle pour toutes ces bonnes choses qui nous font réfléchir et grandir….Merci en retard pour le petit cadeau de Noël ! J’ai une petite question, curieuse que je suis, j’aurais aimé connaitre le nom des endroits qui sont « reconnaissables »…j’ai été lyonnaise un temps, et les paysages me sont familiers.
Voilà, merci et bonne continuation !

Louise
Louise
8 janvier 2018 17 h 14 min

Intéressant merci Isabelle de nous faire penser à nos cellules 🙂 j’ai dû aller trop loin car me voilà avec une entorse lombaire

Suny
8 janvier 2018 14 h 18 min

Amen ! (si j’ose dire.. ^^) Merci pour ce beau récapitulatif Isabelle. Moi non plus, l’écriture inclusive ne me plaît pas, ou alors seulement dans des contextes particuliers où il est important de bien montrer qu’on englobe tout le monde. Sinon, malgré ma profonde approbation pour l’idée portée par cette écriture inclusive, je trouve que c’est une manière de se compliquer les choses, à l’ère où l’on a de plus en plus de mal à savoir comment accorder le moindre adjectif ou participe passé (c’est compliqué ? compliquée ? compliquer ? bah, même les éditeurs de bouquins s’en fichent maintenant,… Lire la suite »