Discussion avec un âne ou comment philosopher à la campagne

Chico l'âne philosopheComment peut-on conduire une discussion avec un âne ? Un âne c’est stupide, d’ailleurs on en fait des bonnets pour les cancres. Tout le monde sait bien qu’un âne c’est un imbécile, une personne bornée avec qui justement il est impossible de discuter. Certaines et certains sont peut-être en train de se questionner à propos de ma santé mentale. Aurait-elle pris un coup de sabot ou chuté d’un âne pour se mettre à avoir des discussions philosophiques avec les animaux ? Elle parle de quoi là ? D’un âne l’animal ou d’un âne, le crétin têtu que tout un chacun a croisé au moins une fois dans son existence ? Je vous rassure, je vais tout à fait bien. N’ayez crainte la « philosophite animalière » n’est pas contagieuse dans l’état actuel de nos connaissances sur le sujet ! Allez, vous l’avez compris, j’ai envie d’un petit billet pour me lâcher aujourd’hui !

Je connais un âne philosophe. Je vous assure. Jugez-en plutôt par vous-même à la lecture de ce petit compte rendu d’une visite que je lui ai rendue récemment.
Non loin de chez moi se trouve un grand enclos. C’est dans cet enclos qu’habite mon âne philosophe. Il n’est pas tout seul. Les ânes détestent la solitude. Il partage cet espace avec une chèvre. Chico l’âne et Maya la chèvre. C’est une gamine qui habite la maison d’en face qui m’a un jour donné les noms des deux occupants de l’enclos.
Il y a plusieurs années que je connais cet âne. Il est très sociable et apprécie mes visites. Lorsque je me balade dans son secteur, je ne manque jamais d’aller le saluer. Il est toujours présent et toujours heureux de me voir. Maya est plus snobinarde. Elle me toise à distance respectable. Ses pupilles fascinantes me scannent de la tête aux pieds. Pour lui tirer le portrait, c’est toute une affaire. Il faut que, poussée par la curiosité, elle suive Chico qui galope à ma rencontre. Lui c’est pas pareil. Il est très photogénique. Lorsque je l’appelle, il relève la tête :

« Han ? On m’appelle ? Tiens ! Mais c’est la brune ! »

Alors il arrive tout fringant et rejoint la clôture pour me saluer.

L’autre jour, je suis passée le voir. Il y avait un bon bout de temps que je n’étais pas venue. Je ne le voyais pas dans son enclos. Je me suis inquiétée. Après avoir contourné le champ par la route, je l’ai enfin aperçu tout au fond. J’ai appelé, j’ai sifflé, j’ai attendu, attendu… Il ne venait pas. Il avait levé la tête et me regardait de loin :

« Han ? Mais c’est qui celle-là ? »

Il allongeait le cou tout en secouant son encolure pour remettre ses souvenirs en ordre. Maya était à ses côtés. Ils avaient un nouvel abri tout neuf. J’ai appelé encore :

« Chico ! Viens !

– Han ? Mais c’est la brune non ? Je croyais qu’elle était partie. Je vais pas rappliquer au galop dare-dare, elle va croire que je suis trop heureux de la voir »

Maya a observé placidement :

« Pourquoi ? T’es pas heureux en vrai ?

– Si ! Mais non ! Enfin tu m’énerves toi. Ça fait longtemps qu’elle est pas venue me voir. Faut qu’elle comprenne que je ne suis pas content de ça.

– Elle va croire que t’es têtu. Tu sais ce qu’ils pensent tous, un âne c’est têtu. Tu vas y avoir droit mon vieux…

– Han ? Têtu moi ? N’importe quoi !

– Elle va partir là, regarde !

– Han ? Partir sans me parler ? Mais je veux pas !

– Ben vas-y ! Ça fait trois plombes qu’elle t’appelle ! En plus t’en meurs d’envie.

Maya la chèvre
– Ben vas-y ! Ça fait trois plombes qu’elle t’appelle ! En plus t’en meurs d’envie.

– Pas du tout. Pffff… »

Chico a commencé à faire deux ou trois pas dans ma direction, il hésitait :

« Allez vas-y, je t’accompagne ! a repris Maya

– T’es sérieuse la bique ?

– M’appelle pas la bique !

– Chicooooooo ! Ai-je crié encore pour la n-ième fois

– Han ? J’arriiiiiive !!! »

Il a commencé à marcher puis à trottiner puis à galoper pour rejoindre la barrière derrière laquelle je poireautais depuis plusieurs minutes. Lorsque j’ai vu qu’il décollait enfin de son poste de guet, j’ai déclenché ma caméra.

« Ça va ? Mais t’étais où ? Il a fallu que j’appelle pendant deux heures pour que tu viennes ! Tu m’as pas reconnue ou quoi ?

– Ben non… Y’a des lustres que t’es pas venue me taper la discute ! C’est quoi ça ? A-t-il dit en avançant ses naseaux vers mon appareil photo

– Tu as vu ? C’est mon appareil ! Je suis reviendue avec…

– On dit pas reviendue…

– Rhaaa ! J’aime bien te faire des photos t’es beau !

– Ouais, t’essaie pas un peu de rattraper la sauce là ? Tout ce temps sans te voir. Les humains philosophes qui parlent aux ânes ça court pas les routes figure-toi. Me suis ennuyé moi… »

J’ai choisi d’ignorer son ressentiment et j’ai poursuivi l’air de rien :

« Alors ? Je suis contente de te revoir ! Je ne sais pas si c’est partagé…

– Han ? Évidemment que je suis content !

– Ça a l’air ! Alors ta copine Maya, elle est où ?

– Elle arrive, elle est curieuse comme un pet. »

Puis tendant son nez vers moi il a repris :

« T’as pas un truc pour moi ?

âne
– T’as pas un truc pour moi ?

– J’ai rien à te donner…

– Allez quoi !

– Ah ! Tu veux manger ? Tu veux de l’herbe ? Tu veux de la bonne herbe ?

– Donne-moi celle du talus, elle est meilleure que celle de l’enclos. C’est bizarre ça… l’herbe paraît toujours plus verte ailleurs… Qu’est-ce que tu fais penchée par terre là ? C’est long dis donc ! »

Je ramassai de l’herbe sur le talus puis me relevai :

– Coucou ! Alors ! Quoi de neuf ?

– Pfff ! Plein de trucs, je sais pas par quoi commencer…

– Oh ! mon Dieu ! Ça va Chico ?

– Ouais ça roule nickel. On a un nouvel abri quatre étoiles t’as vu ?

– Ouais, t’es content ?

– Han ? Content ? C’est sûr ! L’autre était complètement en ruine, on prenait l’eau quand il pleuvait. Le boss l’arrêtait pas de dire qu’il fallait faire quelque chose. J’arrivais pas à philosopher comme il faut là-bas dessous. Finalement, il a bougé et voilà ! On est au sec !

– T’es content ? Ouais ? »

Chico a agité sa tête dans tous les sens :

– Han ? M’énerve celle-là ! Pfff ! Dégage de là !

– Qu’est-ce qu’il y a ?

– Me casse les oreilles !

– Une mouche qui t’embête ?

– Ouais !

– Chope la ! Chope la ! »

Chico s’est calmé. Il avait réglé ses compte à la mouche importune. Il a relevé la tête vers moi :

– Coucou ! Ça va ? ai-je demandé pour savoir s’il était mieux disposé.

– Maintenant oui ! Je suis prêt à discuter. »

Là j’ai arrêté de filmer. On ne peut pas faire correctement deux choses en même temps : filmer et philosopher avec un âne. Il faut choisir et moi, j’ai choisi de philosopher.

« Tu as fait ta tête d’âne tout à l’heure.

– Han ? Pourquoi ?

– Parce que je t’ai appelé cinquante fois et tu ne venais pas ! T’es têtu non ?

– Nous y voilà ! L’avait raison la bique ! Tu vas pas tomber dans les lieux communs quand même ! a-t-il dit en secouant la tête.

– On dit que les ânes sont têtus ai-je répété pour le titiller, il n’y a pas de fumée sans feu…

– Pfff ! N’importe quoi ! Je boudais un peu pour te faire comprendre que je n’étais pas content, mais en fait je suis content !

– Je vois, c’est ce que j’avais cru comprendre…

– Tu sais, je ne suis pas têtu. Je fais ce que j’aime, ce que j’ai envie de faire et ce que je comprends.

– Finalement tu fais comme moi ai-je ajouté.

– C’est ça a dit Chico en souriant.

Ane qui sourit
– C’est ça a dit Chico en souriant.

– Ça me fait penser à un truc là. Tu sais, les élèves aussi font comme toi. Un élève qui s’ennuie en classe ne fera rien de bien.

– Moi quand je m’ennuie, je reste planté sur mes pieds et si je m’ennuie trop je peux même me mettre à braire ! C’est normal quoi. Le gamin qui s’ennuie en classe, il va faire du chahut non ?

– Oui, c’est sûr. Ses enseignants le traiteront de cancre ou de bon à rien, à tort semble-t-il… Tout le monde connaît le bonnet d’âne, même si je pense qu’aujourd’hui plus aucun professeur des écoles n’oserait poser cette coiffe sur la tête d’un des ses élèves.

– Pfff ! Comme si un âne c’était bête. Ça se saurait… J’ai jamais entendu parler de la bêtise asinienne, par contre la bêtise humaine… Rien que d’avoir l’idée de mettre un bonnet avec des oreilles d’âne sur la tête d’un gniard faut déjà avoir un certain degré de bêtise, foi d’animal !

– Pour ce que j’en sais, ce couvre-chef n’est pas flatteur. Il était attribué aux mauvais élèves.

– Et c’est quoi un mauvais élève ? a demandé Chico en haussant le sourcil.

– Un élève qui ne fournit pas les résultats attendus ai-je répondu doctement.

– Han ? Laisse-moi braire ! Si on commençait à coiffer d’un bonnet d’âne tous ceux qui ne fournissent pas les résultats attendus, ils y aurait des troupeaux entiers dans les rues…

– Je suis d’accord avec toi Chico : des élèves, des professeurs, des employés, des patrons, des conjointes et des conjoints et tant d’autres encore. Y’aurait du monde, c’est certain…

– Un âne c’est donc quelqu’un qui ne fait pas ce qu’il n’a pas compris ? Je ne vois pas en quoi c’est de la bêtise ! »

Chico en agitait ses oreilles frénétiquement, il était manifestement contrarié. Je le rassurai :

« Non… Moi non plus je ne vois pas. Beaucoup de personnes se disent que si un élève n’a pas compris, c’est qu’il est bête. Comme on a décrété qu’un âne c’était bête, l’histoire du bonnet d’âne doit venir de là. Quand on dit de quelqu’un que c’est un âne, ça veut dire qu’il est idiot ou stupide quoi ! »

Chico me considérait d’un air conspirateur. Il s’approcha et me posa une question inattendue :

« Tu sais ce que c’est l’étymologie ?

museau de l'âne
– Tu sais ce que c’est l’étymologie ?

– Oui, c’est la science qui étudie l’origine des mots pourquoi ?

– Parce que je me suis documenté sur ces âneries qui consistent à dire que mon espèce est représentative des idiots et des stupides réunis.

– Âneries ? Venant de toi, le choix de vocabulaire est judicieux ! Tu t’es documenté dis-tu ? Comment tu as fait ?

– Ça me regarde. C’est moi qui pose les questions ici ! Alors d’où vient l’idiot ?

– Du village ?

– Han ? Arrête de faire l’âne ! Je suis sérieux là ! Ça vient du latin idiota qui désigne celui qui n’est pas connaisseur. Donc dès que tu connais pas un sujet tu es une idiote par rapport à ceux qui assurent un max dessus. T’imagine le nombre d’idiots qu’y a partout ?

– Vu comme ça c’est sûr ! Continue, tu m’intéresses là !

– Stupide tu sais d’où ça vient ça ? De stupidus ! Un stupidus c’est un gars qui est grave étonné, il est stupéfait. Tu vois le truc ? Il est là, planté comme un cigare, la gueule ouverte !

– Oui je vois bien. On dit la bouche pour nous.

– Ah ! Oui c’est vrai ! répondit Chico.

– Ton analyse étymologique est édifiante. Ça jette un éclairage nouveau sur la condition asinienne… Vu comme ça, se faire traiter d’âne c’est plutôt positif. Donc définitivement, un élève qui n’a pas compris quelque chose n’est pas un bon à rien. »

Chico me regardait d’un air pensif. Je voyais bien qu’il était en train de cogiter. Il reprit :

« Y’a pas besoin d’être un âne pour se dire que s’il n’a pas compris c’est que peut être la demande n’était pas claire…

– Faire des demandes claires n’est pas si simple qu’on pourrait le croire » dis-je.

Je me souvins à cet instant d’une citation de Bernard Werber tirée de « L’encyclopédie du savoir relatif et absolu » et qui résume bien la complexité de la communication :

« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d’entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre et ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même… »

Comme je partageai cette citation avec mon philosophe d’âne, non sans m’embrouiller quelques peu, il secoua l’encolure et s’exclama :

«  Han ? Rien que là, je ne suis pas sûr de t’avoir comprise !

– S’il n’a pas compris, je me dis que c’est peut-être que la demande ne lui paraît pas justifiée dis-je en poursuivant mon idée.

– Qui ça ? demanda Chico

– Ben l’élève… Tout un chacun rechigne à exécuter des tâches qui ne servent à rien. Je ne compte plus le nombre de fois où mes filles m’ont dit « Mais à quoi ça va me servir de savoir ça dans la vie ? » Il y a des fois où j’arrive facilement à leur montrer l’intérêt qu’elles peuvent avoir à maîtriser un point particulier. C’est seulement qu’elles ne savent pas le mettre en perspective.

– Intéressant… Par exemple ? demanda Chico l’œil brillant.

– Par exemple savoir encadrer un nombre à la dizaine ou à la centaine près. Ma louloute avait déclaré que ça ne servait à rien de savoir faire ça.

– LOL ! Comment tu t’en es sortie ? s’esclaffa Chico en piaffant d’impatience.

– Je lui ai expliqué que c’était utile pour le calcul mental. On ne se balade pas en permanence avec une calculette même si la fonction est intégrée dans les smartphones…

– Pas mal ! admit-il.

– Finalement, c’est un peu comme la recherche pure et la recherche appliquée : la recherche pure n’est pas concrète, elle ne prend son sens que lorsque les découvertes sont appliquées pour développer de nouvelles techniques ou de nouveaux produits. »

âne

Les oreilles dressées, Chico suivait le développement de mon idée. Enthousiaste il ne put se retenir de prendre le relais :

« Je vois ! La connaissance pure c’est pas utile tant que c’est appliqué à rien. Finalement, la connaissance c’est un outil. Un outil sur une étagère sert à que dalle mais il est bon de savoir qu’on l’a sous la main au cas où.

– Exactement Chico ! Une connaissance rangée dans le cerveau ne sert à rien mais il est bon de pouvoir l’appliquer en cas de besoin ! Cependant dans certains cas, j’avoue que j’ai du mal à convaincre les filles du bien fondé d’apprendre ce qu’on leur demande d’apprendre.

– Han ? T’as un ch’tit exemple là ? demanda-t-il en plissant légèrement les yeux.

– L’autre jour, mon ado préférée avait une leçon de français qui parlait des propositions subordonnées relatives et des propositions principales et d’autres termes techniques de la grammaire française. Elle m’a demandé à quoi ça servait de savoir que ça s’appelait comme ça… Je la rejoins. Je me suis dit que ce qui était important c’était de savoir construire des phrases correctes du point de vue du sens et de la grammaire. Je ne me souviens pas de tout ça et pourtant j’écris correctement le français. Il faut bien nommer les choses. Mais je reconnais que ça fait tout un fatras de trucs à ingurgiter dont on peut se demander quelle est la finalité.

– Mouais… Si tu lui dis ça, comment veux-tu qu’elle se motive ? ironisa Chico

– Mais non ! J’essaie de m’en tirer en lui disant que ça aiguise son sens critique et que ça participe à sa culture générale. Du moment qu’elle se pose des questions, c’est toujours ça de pris.

– T’es maligne comme un âne toi !

– Tiens ! Je ne connaissais pas cette expression !

– Tu ne l’as pas apprise à l’école ? plaisanta Chico.

– L’école n’est pas toujours attractive, en tous cas pas autant que les jeux vidéos ou les réseaux sociaux. Ça c’est une idée développée par Idriss Aberkane dans son livre « Libérez votre cerveau ». Il explique qu’il y a plusieurs façons d’utiliser son cerveau. Il dit que l’école a perdu son côté attirant notamment depuis qu’elle est obligatoire. Pas besoin de séduire les élèves puisqu’ils sont obligés d’y aller jusqu’à seize ans ! Le marketing et les efforts ne sont pas nécessaires. C’est le problème de tout monopole. Selon lui, les apprentissages gagneraient à utiliser davantage les capacités de notre cerveau.

– Tout un programme ! C’est sûr que pour certains libérer leur cerveau ça ferait pas de mal, à supposer qu’ils en aient un !

– Chico ! Tu viens de piétiner le premier accord Toltèque !

– Où ça ? » s’exclama Chico en regardant d’un air surpris ses sabots.

Chico regarde ses sabots
– Où ça ? » s’exclama Chico en regardant d’un air surpris ses sabots.

Puis reprenant son air sérieux il ajouta avec intérêt :

« L’est bien ce bouquin ! L’a raison ton gars.

– Tu l’as lu ? demandais-je

– Ça va pas la tête ? Je peux pas, ça va m’attirer tout un tas d’histoires. Ils sont capables d’ameuter tout le monde. Je veux pas devenir une bête de cirque. Toi tu vas le lire puis tu reviendras m’en parler !

– Pourtant, je t’imagine bien avec une paire de lunettes sur le bout du museau, plongé dans ta lecture, en train de dire à Maya de te lâcher les basques parce que tu es occupé à libérer ton cerveau ! »

Je me mis à rire rien qu’à imaginer le tableau. Sans parler de la tête de son maître incrédule, découvrant qu’il avait un âne philosophe. Le pauvre, si personne n’a pris le temps de lui expliquer qu’un âne était au moins aussi intelligent que la plupart des humains.

« Arrête de faire l’âne la brune ! Tu racontes que des bêtises !

– Alors là tu vois, ce n’est pas bien. Tu es en train de généraliser. Parce que j’ai dit une bêtise tu insinues que j’en dis tout le temps. Le premier accord Toltèque est décédé comme dirait mon ado préférée. Heureusement que je me concentre sur le deuxième !

– Le deuxième quoi ?

Le deuxième accord Toltèque !

– Mais c’est quoi ces machins ? C’est qui Toltèque ? Un pote du mec qui veut libérer son cerveau ?

– Toi tu ne lis pas les Carnets du Bien-être ! Tu devrais… Tu y tiens ta place tu sais ?

– Han ? Qu’est-ce que tu me chantes là ?

– C’est mon blogue Chico. J’écris plein de trucs dessus. Les accords Toltèques c’est une sorte de philosophie de vie qui recommande entre autres que ta parole soit impeccable et que quoi qu’il arrive, il ne faut pas en faire une affaire personnelle.

– Ah ! La philosophie ça j’aime ! Faut que tu me fasses lire ça !

– Tu pourras lire quand tu auras une connexion Internet…

– Han ? Mais tu veux me créer des embrouilles ou quoi ? Si je demande Internet au boss, ça va faire le tour du pays et ils vont me casser les sabots à vouloir tout savoir sur l’âne le plus philosophe de l’univers…

– Et le plus modeste aussi ! »

Chico se rapprocha de la clôture et inclina la tête en me regardant d’un air amusé :

« J’aime bien nos discussions. On est là toi et moi à refaire le monde. C’est pas courant tu sais ?

– Une discussion avec un âne ? Oui, je sais. Ne commence pas à le répéter à tout le monde sinon je vais passer pour une fêlée.

– L’avantage avec les fêlés, c’est qu’ils laissent passer la lumière ! Hi Han ! Hi Han !

– Et ça te fait rire ? Arrête de faire l’âne Chico !

– Mais je fais pas exprès ! C’est dans ma nature ! »

Puis reprenant soudainement son sérieux, il me regarda et me dit :

« Tu vas le lire le bouquin du cerveau ?

– Je pense oui, pourquoi ?

– Parce que faudra qu’on en cause après. Ça m’intéresse. Je pense à un truc là. Suite à notre discussion de tout à l’heure au sujet de l’école… Quand tu es intéressée par quelque chose, tu le retiens sans forcer, non ? Ça passe crème comme dirait ton ado préférée ! Si un élève voit pas l’intérêt de ce qu’il doit apprendre, y’a maldonne.

– C’est certain Chico. C’est là qu’il coiffe son bonnet d’âne et demande pourquoi il doit ingurgiter cette connaissance.

– Et c’est là que l’enseignant doit être en capacité de répondre et de transmettre à son élève la passion qu’il a au fond de lui-même. »

 Chico sérieux

Il me fixait très sérieusement tout à coup, comme frappé d’une évidence. Il poursuivit son idée et je le laissais faire subjuguée par le langage châtié qu’il était capable d’utiliser lorsqu’il arrêtait de faire l’âne. Il reprit :

« Tous les professeurs ne sont pas passionnés ! Ça c’est un vrai problème. C’est bien dommage pour tout le monde.

– Oui Chico. Tu sais que tu m’épates ?

– Han ? Moi ? Un modeste âne bouseux du fin fond de la campagne dauphinoise ? Et pourquoi ?

– Pour rien. Change rien surtout. Faut que j’y aille là.

– Déjà ? Pourquoi ?

– Je dois récupérer ma louloute à l’école à quatre heures et demi.

– Pfff ! L’école … OK… C’était un plaisir tu sais ?

– Oui, moi aussi j’ai bien aimé cette discussion avec un âne ! Et pas n’importe quel âne !

– Tu reviens avant six mois ?

– Tu exagères Chico ! Ça faisait moins de six mois quand même !

– Laisse-moi braire là ! Ça faisait trop longtemps et ça c’est inadmissible !

– Promis, je reviendrai sous peu.

– Ça c’est comme ASAP(1 ), un délai à la noix qui veut rien dire du tout ! Allez file la brune, vas chercher ta progéniture. Je t’attendrai moi. Vais voir ce que fait la bique ! Je vais aller philosopher avec elle. C’est pas facile, elle m’écoute jamais. Elle en fait qu’à sa tête. L’est têtue comme un âne celle-là ! »

Bourré d’humour ce Chico ! Il m’a regardée m’éloigner puis a fait comme si de rien n’était en se remettant à brouter nonchalamment l’herbe du pré comme le ferait n’importe quel âne. Mais moi je sais que ce n’est pas n’importe quel âne. Je vous le dis, mais vous le gardez pour vous. Il ne veut pas entendre parler des journalistes ou des paparazzi. Et moi je ne veux pas d’embrouilles avec lui. Compris ?

Isabelle

PS : Au fait pour celles et ceux qui ne me croiraient pas, je vous mets en bonus la vidéo du début de notre entretien ! A ne pas diffuser surtout, pour les raisons que j’ai données plus haut. Je compte sur vous !

(1) : ASAP, acronyme de l’anglais As Soon AS possible : aussi tôt que possible, dès que possible.

5 1 vote
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

4 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lana
Lana
27 octobre 2016 20 h 55 min

Bonsoir Isabelle,
Super cette discussion et cet âne philosophe est tellement mignon. Il nous aide à voir la vie du bon côté.
On attend la suite après la lecture « libérez votre cerveau »…
Merci
C’est toujours un plaisir de vous lire.

Suny
24 octobre 2016 9 h 47 min

Ha ha, j’adore ! Les ânes sont loin d’être bêtes, et on en a enfin la preuve grâce à toi ! ^^
Une discussion très intéressante en tout cas, j’espère que tu nous en partageras d’autres, hein ?
Bisous Isabelle ! 🙂