Avez-vous déjà pris le temps de regarder les étoiles ? Avez-vous déjà assisté au lever du soleil ? A première vue, ces événements sont banals. Pourquoi ? Parce qu’ils se produisent chaque jour. C’est justement là que se niche la banalité. Elle en vient à nous faire oublier de prendre conscience d’instants uniques qui ne se reproduiront jamais exactement de la même manière. Je vous invite à une réflexion et à partager une expérience facile à réaliser en cette période estivale.
Prendre conscience à la belle étoile
Il y a tant de choses que nous faisons machinalement sans y penser, sans en être conscients. Dire bonjour ou au revoir, embrasser un proche qui part ou qui arrive, manger ou boire, marcher et regarder le ciel. Nous sommes nombreux à marcher à pas pressés sans jamais lever le nez au ciel. Lorsque nous le faisons c’est trop souvent un bref coup d’œil que nous jetons pour évaluer le temps qu’il fait. L’année dernière, au mois d’août, j’ai réalisé une expérience que j’avais mise dans ma liste de choses à faire. Il s’agissait de passer une nuit à la belle étoile. Avec mon mari, nous avons emporté un pique-nique, deux sacs de couchage et une tente pop-up. Vous savez ? Ces tentes qui se déploient en un clin d’œil mais où vous avez besoin de la notice pour remballer ! Puis nous sommes allés nous installer dans un champ au milieu de nulle part. C’est le milieu de nulle part de mon mari parce que c’est un coin à lui. Un coin qu’il connaissait bien avant que nous soyons ensemble. J’aime beaucoup cet endroit parce qu’il y a une vue très dégagée sur les collines du Dauphiné. Le panorama s’étire à l’est jusqu’à Lyon et à l’ouest, sur l’horizon se dresse la sentinelle du Mont Blanc. Les bois et les terres cultivées dessinent un patchwork en camaïeu de verts, de bruns et de jaunes. Les villages se blottissent autour de leurs clochers. C’est en endroit paisible, loin de la ville et de ses lumières parasites qui éteignent les étoiles.
Une expérience estivale merveilleuse
Coucher du soleil
Assis dans l’herbe face au soleil couchant, nous avons mangé notre pique-nique en silence. Il n’y avait pas besoin de parler. Le coucher de soleil me serre toujours un peu le cœur. Je ressens une forme de tristesse à voir partir le jour. Peut-être est-ce lié à une sorte de mémoire archaïque qui me murmure à l’oreille l’angoisse des premiers hommes lorsque le jour disparaissait et que l’obscurité amenait son lot de menaces et de dangers. Entre chien et loup, le temps semble suspendu, comme si on s’attendait à ce qu’il se passe quelque chose. Le paysage se dilue doucement dans l’ombre grandissante puis quelques points scintillants s’allument dans le ciel qui vire au bleu foncé. Vénus la première vient allumer sa veilleuse rassurante alors que l’horizon flamboie encore des derniers reflets du soleil. Puis les autres étoiles apparaissent les unes après les autres.
A la belle étoile
Je ne suis pas une spécialiste des constellations. Je suis tout juste capable d’identifier la Petite Ourse, la Grande Ourse et le W de Cassiopée. Le mieux pour contempler les étoiles, c’est au mois d’août parce qu’en plus des classiques, il y a les étoiles filantes qui viennent rayer le ciel d’été. L’idéal est de s’allonger par terre le nez vers la voûte céleste et de garder les yeux grand ouverts sur l’immensité. Allongée dans le champ sur une couverture de survie pour couper un peu l’humidité du sol, j’ai contemplé le ciel devenu noir. Je me suis sentie si petite face à cet infini qui se dévoilait sous mes yeux. Je sais qu’il y a des étoiles que nous percevons avec nos yeux mais qui pourtant se sont éteintes depuis longtemps. J’ai pensé à tous ceux qui les regardaient à ce moment et à tous ceux qui les avaient observées depuis la nuit des temps. C’était émouvant.
La magie du ciel nocturne
Lorsque je suis partie en vacances dans les écrins l’année dernière, un soir nous sommes sortis et en levant le nez au ciel j’ai vu les étoiles. C’était incroyable. Le ciel de cette vallée tranquille et isolée du Valjouffrey contenait bien plus d’étoiles que je n’en avais jamais vues. Je distinguais très facilement la voie lactée qui déroulait son écharpe scintillante dans le noir du ciel. Absolument aucune lumière parasite pour gêner l’observation des constellations. Aujourd’hui je me dis que j’aurais dû prendre le temps de m’allonger par terre sur la terrasse des Épilobes pour contempler ce spectacle. Nous avions essayé dans les jours qui ont suivis d’aller nous installer dans les champs environnant le village pour admirer plus longuement la nuit étoilée mais hélas, le ciel n’était pas dégagé et nous avions dû renoncer. Je ne sais pas quand j’aurai l’occasion de pouvoir m’émerveiller d’un ciel resplendissant mais je sais que je ne manquerai pas cette occasion lorsqu’elle se présentera.
Allongée dans le champ au milieu de nulle part, le spectacle n’était pas aussi grandiose. Les lumières des villes alentour concurrençaient l’éclat paisible des étoiles. Lyon bien sûr mais aussi Grenoble et Chambéry laissaient traîner dans le ciel des reflets rouges orangés qui suffisaient à délaver l’éclat blanc des astres. On a peu conscience de la pollution lumineuse à laquelle nous sommes constamment soumis. On n’en prend la mesure que lorsqu’on se trouve plongé dans une réelle obscurité. Cette obscurité naturelle n’est pas facile à trouver. Même au milieu de nulle part, la nuit n’était finalement que très relative.
Réveil difficile
Nous avons dormi sous la tente. Je devrais plutôt dire que mon mari a dormi. En début de nuit, une brise d’été assez soutenue s’est mise à souffler sur le plateau du milieu de nulle part. Mon mari qui dort avec des boules Quies n’a pas été dérangé. Il paraît que c’est parce que je ronfle … Je n’ai jamais rien entendu personnellement. Enfin, j’aurais peut-être dû prendre des boules Quies pour cette nuit-là. Le vent faisait tressauter la toile de la tente sur la doublure et m’empêchait de trouver le sommeil. Impossible de fermer l’œil. Alors j’ai rampé jusqu’à la sortie, ouvert discrètement la fermeture éclair et je suis restée étendue ainsi : le corps dans la tente et la tête dans l’herbe à contempler le ciel. J’ai trouvé la nuit assez longue. Finalement, je suis rentrée sous la tente et je suis tombée d’épuisement. Pas longtemps. Quelqu’un me secouait.
Ma chérie ! Réveille-toi ! Il est 5 heures et demi, le soleil ne va pas tarder à se lever !
Hein ?
J’ai ouvert un œil en mode zombie.
Le soleil ? Ah oui !
Quand revient la lumière
Le lever du soleil, je ne voulais pas le manquer. J’étais un peu dans le gaz. J’avais dû dormir une heure. J’ai passé un moment à batailler avec la fermeture éclair de ma veste qui s’était coincée. J’avais un problème de coordination motrice. C’est finalement mon mari qui a pris les choses en main, frais et dispos qu’il était ! Nous avons commencé à grimper sur les hauteurs pour trouver un poste d’observation adéquat. Finalement, nous sous sommes installés dans l’herbe, assis à l’orée du bois, face à la chaîne des Alpes.
Les montagnes dessinaient leurs silhouettes en mauve sur le ciel bleuté qui tirait vers le rose. Même si j’avais peu dormi, pour rien au monde je n’aurais loupé ce spectacle. Autant le coucher du soleil me serre le cœur, autant le lever du soleil m’enthousiasme. Je trouve que c’est un instant où le présent prend tout son sens. A chaque seconde qui passe, le ciel change et le temps de s’en rendre compte et de le noter, c’est déjà du passé. Il faut rester là les yeux grands ouverts pour ne rien louper. J’osais à peine cligner des paupières. Le ciel s’éclaircissait sans cesse. Tout un dégradé de mauves et de roses en passant par des bleus et des gris colorait la plaine et les collines qui s’étiraient devant nos yeux. A l’horizon, la chaîne de montagne gardait mystérieusement caché l’ascension de l’astre solaire dans le ciel. Les silhouettes violettes des montagnes se découpaient sur un ciel qui virait du rose au jaune. Les tons de gris et de bleu commençaient à fondre dans les vallées.
Le lever du soleil
Je mitraillais le spectacle avec mon appareil photo. Puis l’imminence de l’apparition du soleil se fit plus pressante. De grands rayons lumineux lancèrent leurs flèches à la droite du Mont-Blanc. A chaque seconde, je m’attendais à voir le soleil surgir à la crête du toit de l’Europe. Mais non, il faisait durer le suspense. Le ciel s’enflammait d’un poudroiement doré. Les montagnes avaient pris un ocre cendré. Brusquement un éclat puissant passa par-dessus les cimes comme pour proclamer la naissance d’un nouveau jour.
Je ressentais une jubilation et une émotion qui me faisait presque venir les larmes aux yeux. C’était beau à pleurer. A chaque seconde, le soleil sortait un peu plus de sa cachette. Je le regardais en face et je me disais que c’était seulement à son lever ou à son coucher qu’il était possible de le contempler sans risquer d’y perdre ses yeux. De la vallée montait une brume légère. Le soleil était monté et éclairait le paysage. Le Mont-Blanc avait disparu, noyé dans la lumière et les brumes matinales. Lui si majestueux quelques secondes plus tôt s’était évanoui dans l’air de cette nouvelle matinée d’été. Si nous n’avions pas eu connaissance de son existence, nous n’aurions jamais pu deviner sa présence en scrutant l’horizon.
C’est une belle journée
Avec le lever du soleil, il n’y avait pas que la lumière qui avait changé. Les sons aussi étaient différents. Les grillons s’étaient tus ainsi que les oiseaux nocturnes. Ils avaient été relayés par le crissement des criquets, le bourdonnement des insectes et les oiseaux qui avaient entamé leur tour de chant bien avant que le soleil ne se montre. Eux savaient qu’il arrivait, ils fêtaient son retour, promesse de vie et de nourriture abondante.
La magie avait opéré. Nous sommes retourné à notre campement improvisé et nous avons sorti la notice pour replier la tente. L’exercice est encore plus ardu lorsqu’on n’a pas assez dormi et que de ce fait, les yeux ne sont pas bien en face des trous ! Contempler le soleil qui se lève n’est pas un problème mais repérer les marques de couleurs à mettre en face pour plier la tente… Bref, nous sommes redescendus jusqu’à la voiture avec notre barda. Arrivés à la maison, nous avons pris un bon petit déjeuner sur la terrasse puis je me suis étirée et j’ai annoncé à mon mari que j’allais me coucher !
Si vous avez l’occasion de passer une nuit à la belle étoile ou simplement de contempler le ciel nocturne dans de bonnes conditions, ne vous en privez surtout pas. Si mon expérience d’insomnie vous a refroidi, dites-vous que vous pouvez toujours séparer les deux expériences. Un soir d’été où le ciel est bien dégagé et où il n’y a pas de lune, vous vous rendez dans un coin isolé des lumières parasites et vous admirez les myriades d’étoiles qui scintillent dans notre ciel. Si vous choisissez le mois d’août, vous aurez en prime des étoiles filantes. Nous en avons vu plusieurs. Un autre jour de ciel clair, vous vous levez avant l’aube et vous vous rendez sur un site bien dégagé pour assister au lever du soleil. Si c’est sur un site particulièrement spectaculaire comme la montagne ou le bord de mer, c’est encore mieux !
Je vous souhaite un bel été, plein d’étoiles dans les yeux et d’instants présents savourés en toute conscience. Prenez soin de vous.
Isabelle.
Photos : Isabelle Ducau et Ralph Grillot
Sublime. Merci pour ce merveilleux récit.
Bonjour Isabelle
« Elle contemplait le jour qui se levait derrière le petit pin noir, les premiers rayons, rayons parfois d’or pâle, rayons parfois blancs comme des flèches d’archer. Puis les premiers bleus. Puis le surgissement violent, rapide, inexorable de la lumière s’arrachant de la mer.»
Pascal Quignard, Villa Amalia (Gallimard)
Extrait repris sur le blog:
http://autourduciel.blog.lemonde.fr/2017/07/23/la-terre-est-une-petite-planete-sans-frontieres/
Très bon dimanche à vous et à tous les lecteurs du blog
Janet
Merci Janet ! 🙂
Superbe article et magnifiques photos <3 Il m'est arrivé de contempler ces divers événements astronomiques, mais jamais toute une nuit. J'ai passé pas mal d'heures à photographier des couchers de soleil, surtout hivernaux, avec des ciels rouge sang ou rose fuschia absolument incroyables. Le lever de soleil, un peu moins : je ne suis pas trop du matin ! ^^ Mais un jour, peut-être… Quant aux étoiles, je les ai pas mal contemplées aussi, moi qui voulais être astronome quand j'étais ado ^^ Bref, que de beaux souvenirs que tu m'as remémoré, il faudrait que je me prenne un bout… Lire la suite »
Merci Marianne ! Prends-le ce bout de nuit et partage-le si tu le peux, c’est encore meilleur 😉 ça fait partie des choses importantes !
Bises à toi