Vous connaissez tous l’écureuil, ce petit rongeur familier ! Pour peu que vous habitiez la campagne ou même que vous ayez un jardin en ville, vous avez toutes les chances de le croiser un beau matin. L’écureuil peut se montrer vraiment très audacieux. Sa curiosité le pousse à venir zieuter ce que vous trafiquez dans votre salon en allongeant le cou derrière la baie vitrée ! Il m’est même arrivé que l’un d’entre eux s’accroche au crépi de l’encadrement de la fenêtre pour m’espionner pendant que j’étais installée à mon ordinateur. Laissez-moi vous raconter ce qu’il m’est arrivé ce matin.
Une envie de prendre l’air
Ce matin, la grisaille semblait d’accord pour une trêve, ce dont je n’étais pas fâchée puisque voilà au moins deux semaines qu’il fait gris et humide ! Et moi, je suis désolée de vous le dire comme ça, mais j’ai du mal à supporter le froid humide. Je suis née dans le midi et franchement, pour me sentir bien, je suis comme certaines plantes, j’ai besoin d’un minimum d’ensoleillement. Sinon, je me terre chez moi et je suis forcée de consommer le soleil en conserve de ma lampe de luminothérapie ! C’est loin d’être équivalent évidemment ! J’en conçois une frustration qui me fait guetter le moindre rayon avec autant d’impatience qu’un enfant qui attend Noël. Il est vrai qu’ici, en Isère, je n’ai pas autant de soleil que j’en aurais dans mes terres natales mais j’aime cette région pour tout un tas d’autres raisons que je vous expliquerai peut-être un jour … Donc, ce matin, hourra ! Le manteau de nuages était tout mité et j’apercevais le soleil par les petits trous. Donc, ni une ni deux, je me chausse et je me couvre de façon adéquate (oui parce que ce n’est pas Byzance non plus ! Fait pas chaud, même si depuis hier le mercure se tient à distance respectueuse du zéro) et je sors faire une promenade.
J’emprunte un chemin …
Je décide de faire un petit circuit de quelques kilomètres histoire de m’aérer un peu. Je m’engage donc sur un chemin qui n’a pas de nom à ma connaissance. Comme les chemins anonymes ça m’énerve, je l’ai donc baptisé le Chemin de Thierry du prénom d’un collègue de mon mari qui habite pas loin. Cependant, après l’anecdote que je vais vous raconter, il se pourrait bien que je le rebaptise ! Ce chemin quitte la route entre deux maisons et se glisse entre les champs tranquillement. Sur la gauche, il est bordé de grands arbres et sur la droite le terrain descend doucement pour rejoindre la route en contrebas et le panorama est juste grandiose : toute la chaîne des Alpes s’étale depuis les contreforts du Jura sur la gauche jusqu’au massif de Belledone et au Vercors sur la droite.
Et je rencontre un écureuil
J’en étais là de ma contemplation quand une troupe de pintades qui réside dans la cour d’une ferme voisine a décidé de me gratifier d’un récital impromptu, me ramenant à mon chemin. Et que vois-je à environ une vingtaine de mètres devant moi, un écureuil qui traverse le chemin en trois ou quatre bonds et disparaît entre les troncs des grands arbres du bas-côté. Ce spectacle amène immédiatement un sourire léger sur mes lèvres : je trouve les écureuils pétillants et facétieux. Je les aime bien, ils ont du panache ! Je n’ai guère le temps de faire quelques pas de plus que voilà de nouveau l’écureuil qui surgit d’entre les arbres. Je m’immobilise aussitôt. Sur le moment, j’ai l’impression qu’il ne m’a pas vue. Pourtant mes pas dans les feuilles mortes sont loin d’être discrets … Je me transforme en statue et je reste plantée en plein milieu du chemin, tant et si bien que même les pintades arrêtent leur tour de chant à la fin du premier couplet. L’écureuil s’avance vers le milieu du chemin, je me dis qu’il va simplement le retraverser. Mais non, il change de direction et commence à venir vers moi par petits bonds rapides et nerveux. Sa queue en panache oscille derrière lui à la manière d’un oriflamme. J’en suis à me demander jusqu’où il va oser s’approcher de moi, parce que parti comme il l’est, il me vient droit dessus. Je ne bouge toujours pas d’un poil. Je suis assez intriguée. L’écureuil s’arrête finalement à deux mètres de moi et me considère d’un œil sévère ! Ne riez pas, je vous assure qu’il fronçait les sourcils ! Et puis, brusquement, comme s’il avait réalisé que je fais sûrement pas loin de douze fois sa taille, il décide de prendre de la hauteur pour jauger la situation avec le recul nécessaire. Il s’élance et en trois bonds grimpe au tronc d’un des arbres centenaires qui bordent le chemin, jusqu’à une hauteur qui lui permet de me toiser confortablement. Il s’accroche avec une de ses pattes avant tandis que de l’autre il entame une série d’arabesques significatives pour illustrer son propos. Il pousse une succession de petits cris aigus, tout en gesticulant. Il montre les dents et il souffle à la manière des chats en colère ! Il hérisse les poils de sa queue comme pour appuyer ses arguments. Je rêve ! Monsieur l’écureuil est en train de s’emporter contre moi ! Je vais tenter de traduire le plus fidèlement possible ses propos :
Qui tu es toi ? Qu’est-ce que tu viens faire ici ? C’est MON chemin ! Ce sont MES arbres ! Il n’est pas question une seconde que je te cède la moindre réserve de nourriture ! Et tu ne me fais pas peur malgré ta grande taille ! Je suis très énervé là ! Sois tu t’en vas, sois je te saute dessus et je te mords l’oreille !
Sur ces paroles pleine de douceur, il gagne la cime de l’arbre à la vitesse de l’éclair. Un éclair roux et flamboyant emportant dans son sillage toute la gamme des sons de sa colère et de sa contrariété. Je ne savais pas qu’un écureuil possédait un vocabulaire aussi varié !
Alors là, impossible de me retenir. Je pars d’un grand éclat de rire. J’espère ne pas l’avoir vexé ! J’ai ri parce que je l’ai trouvé tellement effronté de venir face à moi défendre son territoire. J’ai ri parce qu’il n’avait pas besoin de parler pour se faire comprendre sans détours. J’ai ri parce qu’il avait une telle énergie qu’elle en était contagieuse. D’ailleurs, poussées par cette énergie et par mon rire, les pintades ont entamé aussitôt le deuxième couplet qu’elles avaient laissé en plan un instant plus tôt. J’ai préféré déclarer forfait et j’ai lancé à l’intention de mon écureuil :
D’accord ! Je m’en vais ! Je ne voulais pas t’embêter.
Mes hommages monsieur l’écureuil !
J’ai repris mon chemin en me disant que cet écureuil ne manquait pas de panache ! J’ai décidé de lui trouver un nom, il le méritait bien. Je l’ai baptisé Jules. Même si ce prénom est revenu à la mode il y a quelques années, il n’empêche que Jules évoque pour moi un personnage moustachu, peut-être un peu bedonnant, pas forcément drôle, voire carrément sévère et adepte assidu du froncement de sourcils. Un peu comme les oncles des familles du début du siècle dernier, engoncés dans leur costume trois pièces et leurs principes … Je trouve que mon écureuil ne peut que s’appeler Jules à cause du froncement de sourcils et du sens aigu de la propriété dont il fait preuve. J’ ai donc laissé Jules à son territoire défendu de si haute lutte et j’ai poursuivi ma promenade en me demandant si j’allais rencontrer la perdrix que j’avais déjà croisé plusieurs fois dans le virage du Chemin de Thierry. Il faut croire que celle-ci avait eu affaire à Jules juste avant moi et que celui-ci lui avait sans doute expliqué la vie car ma perdrix n’était pas au rendez-vous ce matin. Au retour de ma promenade, j’ai de nouveau emprunté le Chemin de Thierry (Mais quelle cloche celle-là ! Elle comprend pas ou quoi?). J’ai ralenti le pas et je me suis démanchée le cou pour chercher Jules dans les branches des arbres du chemin. Mais non, il avait dû aller faire respecter sa loi sur la frontière ouest, de l’autre côté du pré aux vaches. J’étais déçue de ne pas me faire gronder une nouvelle fois. Pour me consoler, les pintades ont attaqué avec enthousiasme le troisième couplet de leur récital dès qu’elles m’ont vue surgir sur le chemin. Le cœur des chiens s’est joint à elles et ce fût un beau remue-ménage. J’ai quitté rapidement le Chemin de Jules en espérant qu’il n’entende pas ce tapage qui ne manquerait pas de le mettre en alerte ! Je ne voulais surtout pas le fâcher. Et rendons à Jules ce qui appartient à Jules : son chemin !
Isabelle.
Photo : Isabelle Ducau
Merci ma belle !
Ce blogue est vraiment très intéressant. Je n’ai pas encore lu dans le détail mais je le trouve très enrichissant et chaleureux dès qu’on arrive sur la page. Et puis parlons de la manière dont c’est écrit. Les mots, les phrases, si bien choisis !!! Bref c’est super. Continue comme ça maman (oui c’est ta fille).
Signé: ton idole…<3