Non, la fin de l’automne n’est pas une période triste et sans intérêts. Pour peu que le soleil soit de la partie, le paysage s’adoucit sous les teintes chaudes de la fin de journée.
Je vous invite à partager une balade d’automne dans ma campagne dauphinoise.
Première rencontre
Tout commence avec une envie de prendre l’air. Le soleil tape à la vitre l’air de me dire : « Allez viens ! Regarde cette lumière ! » Alors zou, j’enfile une paire de chaussures de marche, je mets ma veste et j’emporte mon appareil photo… on ne sait jamais, si je rencontre un écureuil cette fois je pourrais immortaliser l’instant ! Après quelques minutes d’une marche rapide, je m’arrête à proximité d’un étang et soudain je rencontre non loin de la berge, un ragondin en train de grattouiller. Il ne m’a pas vue. Je m’avance tout doucement entre les roseaux et les phragmites le long de la berge. Mes pas ne font aucun bruit sur l’herbe encore verte de ce mois de décembre si doux. Je sors l’appareil photo et prends quelques clichés. Mais je suis trop loin et même avec le zoom, ça ne rend pas grand-chose. Alors, à croupetons dans l’herbe, je progresse tel un sioux en direction de ma cible. Tout à coup il relève la tête et paf je déclenche !
Il m’a vue, il commence à s’éloigner, je m’avance, il court et se dirige vers le bord de l’étang. Je ne le vois plus. A mon tour, je gagne l’extrême bordure de la berge et là, je l’aperçois tout au ras de l’eau. A peine ai-je le temps de viser, l’air de rien, qu’il plonge subitement, sans doute alerté par le bruit de mon idée de le prendre en photo ! Mince ! Tout de même, cette balade d’automne commence par une jolie rencontre.
Les oiseaux de l’étang
J’en reviens à l’étang, une foulque marcoule a entrepris la grande traversée. Elle glisse sur l’eau calme, dessinant un sillage derrière elle.
L’étang se pare de ridules reflétant les teintes chaudes des arbres alentours déjà parés de leur chatons en prévision d’un printemps qu’ils pensent imminent. C’est joli… et hop, je vise, et clic, c’est dans la boîte. La foulque m’aperçoit et timidement se ravise. Elle décide que la traversée intégrale ce sera pour un autre jour. La peste soit de ces promeneurs ! Elle amorce un virage en arc de cercle et s’éloigne en glissant, détruisant au passage le magnifique sillage qu’elle avait créé un instant plus tôt. Tout est éphémère me dis-je… profitons donc de l’instant.
Mon regard n’étant plus captif de la foulque, je découvre au fond de l’étang une colonie de canards colverts qui cancanent à qui mieux mieux. Sans doute ont-ils aussi leur opinion sur ma présence en ces lieux.
Les mâles ont leur plumage d’hiver, cagoule verte chatoyante de rigueur, petit col blanc comme un soupçon d’élégance et costume à dos gris et ventre marron. Touche finale à leur tenue, un passement bleu nuit irisé bordé de blanc souligne le bord de leurs ailes. Je connais bien ce costume de gala. Lorsque j’étais enfant, nous avions un canard colvert apprivoisé, il s’appelait Oscar. Il était très familier. Mon père l’avait recueilli au bord du Rhône, petit caneton de quelques jours complètement perdu : ni mère, ni frères, ni sœurs, ni père à l’horizon… personne. Il l’avait donc ramené à la maison et je me souviens encore de son caquetage qui ressemblait à un klaxon. Nous l’avons gardé plus de dix ans jusqu’à ce qu’il soit emporté par une maladie, une leucémie je crois. Les femelles sont moins tape-à-l’œil, simplement mises, avec leur tailleur tacheté de plusieurs nuances de marrons et de beiges. Tout en souriant au souvenir d’Oscar, je vise et j’emporte avec moi cette colonie bavarde.
Mon rendez-vous
Je poursuis ma route et je sais que j’ai rendez-vous. Je fais souvent cette promenade et au détour de la route il y a un champ avec deux pensionnaires : un âne et une chèvre. La chèvre, c’est Maya et l’âne, c’est Chico. Maya est assez farouche, elle affectionne particulièrement de toiser le visiteur occasionnel avec ses pupilles surprenantes, d’un air inquisiteur. Il y a quelques temps de cela, alors que je passait par là, je trouvai Maya en train de brouter l’herbe du bas-côté de la route, en dehors de l’enclos. C’est bien connu, l’herbe est toujours plus verte ailleurs. La porte de l’enclos était pourtant fermée. Alors que je me perdais en supputations diverses, Maya m’aperçut. Ni une ni deux, elle se glissa sous le barbelé de l’enclos et le réintégra aussi sec. Je me mis à rire et lui fis remarquer qu’elle était bien maligne. A quelques mètres des barbelés, elle me toisa comme à son habitude, l’air de dire : « Toi, tu n’as pas intérêt à cafter ! » Puis elle tourna les sabots et s’éloigna. Sacrée Maya, non je ne cafterai pas !
Chico lui est tout le contraire, très sociable et très curieux. Arrivée non loin de lui, je passe ma tête au-dessus des barbelés et je lui dis « Alors ? Tu viens ? » Ni une, ni deux, il lâche sa touffe d’herbe et trottine alertement à ma rencontre.
Ça va mon Chico ?
Il se met à mordiller un piquet de la clôture :
Ouais… ça roule…
Je sors mon appareil photo et clic clac.
C’est une manie qu’a cet âne de manger les piquets de l’enclos. Une fois, je lui ai dit qu’il risquait de se planter une écharde dans les babines mais il s’en fiche. Un âne c’est têtu.
Avisant mon appareil il se rapproche de moi. Je décide de lui tirer le portrait de face. Mais monsieur est très intrigué.
C’est quoi ça ? Ça se mange ? » et il tend le cou vers l’objectif bien décidé à le goûter.
Mais non Chico ! C’est un appareil photo. Éloigne-toi que je puisse te prendre, tu es trop près, je n’ai que ton museau !
Mais qu’est-ce que c’est têtu un âne ! C’est finalement moi qui dois m’éloigner pour éviter de n’avoir que ses narines sur la photo.
Je le caresse ensuite, il adore ça, surtout sur le nez et sur le chanfrein. Puis je prends congé et là il me suit le long de la barrière en caracolant et en faisant tout un cinéma. Quand il comprend que j’ai vraiment l’intention de filer, il me regarde l’air un peu déçu :
Quoi ? Tu t’en vas déjà ? Dommage…
Je reviendrai, tu sais bien.
Et pour le consoler, je le prends en photo une dernière fois.
La vie foisonne
Je poursuis ma balade d’automne vers l’étang suivant. Sur mon chemin j’aperçois une touffe d’asters blancs en fleurs.
En décembre, ils ont généralement gelé et fini de fleurir depuis un bon moment. Décidément, il n’y a plus de saisons… Je les mets dans ma boîte et je continue ma balade d’automne.
Arrivée devant l’étang de Chantillin, une activité intense m’attend. Tout d’abord, je rencontre la grande aigrette.
Elle se tient au bord de l’eau dans sa robe blanche immaculée, comme si elle voulait profiter des derniers rayons de soleil de cette fin de journée. Je fais plusieurs tentatives avant de réussir un cliché acceptable : elle est assez loin et mon zoom n’est pas très puissant. Finalement, elle s’envole et traverse majestueusement l’étang, se posant définitivement hors de portés des paparazzi.
Tout à coup, un clapotis attire mon attention juste là, devant moi : une foulque, sans doute une cousine de la précédente, est en train de chercher sa pitance à coup de plongeons répétés. Je profite de ce qu’elle reprend ses esprits entre deux explorations subaquatiques pour lui tirer le portrait.
A peine en ai-je terminé avec mademoiselle foulque qu’un nouveau clapotis arrive à mes oreilles : cette fois-ci c’est un ragondin qui se hisse sur une touffe de roseaux pour s’égoutter. Vite rejoint par un acolyte qui trace son sillage dans l’eau : je vise et je déclenche. Hop dans la boîte !
Je m’amuse à les observer un moment, puis je laisse l’étang de Chantillin à sa vie foisonnante.
Les couleurs de ma balade d’automne
Un peu plus loin sur ma gauche, l’étang de la Feuillée étire ses eaux sombres entre les roseaux et les arbres. Sa berge est impraticable, protégée par un enchevêtrement de végétation. C’est un paradis pour les oiseaux. L’idée me prend de lever le nez, allez savoir pourquoi… et là, je vois l’enfilade des phragmites qui tendent leur plumets mordorés vers le ciel bleu. C’est beau ! J’en oublierais presque de faire une photo. Mais où ai-je donc la tête !
Mes phragmites dans la boîte, je poursuis ma balade d’automne avec les derniers rayons du soleil. La lumière est de plus en plus orangée, elle sublime les ultimes couleurs de l’automne :
Les feuilles d’un lierre grimpant qui rougissent légèrement sous les premiers frimas
Le feuillage d’or d’un arbuste qui flamboie comme une torche pour éloigner la grisaille de l’hiver qui s’approche
Le panache échevelé des boulots dont les ramures roussâtres tranchent sur le bleu du ciel.
Je rentre à la maison, heureuse de cette balade d’automne riche en rencontres. Je fais un petit tour de jardin (j’aime bien ça) et là je fais encore quelques trouvailles :
Les cynorhodons écarlates décorent les églantiers effeuillés
Les pensées exhibent leur couleurs pimpantes avec leurs pétales de velours
Les dernières roses défient l’hiver et accrochent les éclats de lumière du soleil couchant avant que l’ombre n’envahisse le jardin.
La journée se termine, c’était une belle journée et je suis bien contente d’avoir partagé cette balade d’automne avec vous.
L’automne finissant n’est pas triste, il y a toujours quelque chose à voir, il faut regarder autour de soi, lever la tête, baisser les yeux, s’accroupir, se hausser sur les pointes de pieds, il faut chercher le beau, il n’est pas très dissimulé, juste ce qu’il faut pour éveiller notre curiosité.
Isabelle
Photos : Isabelle Ducau
– Le poète a dit : » Je donnerais deux étés pour un automne… »
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Bonsoir Gégé ! Je ne suis pas d’accord avec le poète ! Chaque saison a son attrait et ma préférée reste le printemps, mais ça j’y reviendrai en temps et en heure. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs ! Je connais quelqu’un qui dit qu’il ne vieillit qu’une fois par an, en automne !
Ah moi aussi c’est le printemps avec le renouveau……. J’adore cette saison …. Mais patience on y est presque.
En ce moment, ce serait presque le printemps en hiver ! Je ne manquerai pas de faire un billet de balade nature au printemps, il y a tant de choses à voir en cette saison que ce sera un plaisir de partager avec vous !